Les experts estiment que les jeunes Sud-Coréens sont trop pris dans un système éducatif et un marché du travail exigeant pour consacrer beaucoup de temps aux activités religieuses.
« Je suis tellement occupé à essayer d’élever mes enfants et à gérer notre ménage. Je ne trouve pas le temps de tout faire », témoigne Madame Park, une trentenaire élevée dans une famille anglicane.
Cette tendance à l’éloignement de la religion au début de l’âge adulte est de plus en plus courante chez les Sud-Coréens. Elle reflète une tendance nationale à l’augmentation de l’athéisme, en particulier chez les jeunes. Les sondages récents indiquent qu’environ 20 % des Sud-Coréens s’identifient comme protestants, le plus grand groupe du pays, suivis de 15 % qui se sont identifiés comme bouddhistes et près de 8 % en tant que catholiques. L’agence de statistique du gouvernement coréen conclut aussi que le nombre de Sud-Coréens s’identifiant comme « sans religion » est passé de 47 % en 2005 à 56 en 2015. Un sondage réalisé la même année par Gallup Korea a révélé que 31 % des Sud-Coréens d’une vingtaine d’années s’identifiaient comme croyants, contre 46 % dix ans plus tôt.
Une mise à jour des pratiques religieuses
Face a ce constat, plusieurs structures religieuses cherchent des solutions et essaient, parfois de façon surprenante, de faire des efforts pour retenir leurs jeunes fidèles. Les avancées technologiques comme les smartphones, très populaire en Corée du Sud, ont été désignés par certaines structures comme ce qui distrait les jeunes Sud-Coréens de l’observance religieuse. Pour répondre à ce phénomène de société, certains, comme la Seoul Anglican Cathedral, ont décidé de moderniser les méthodes d’enseignements et d’échanges à l’intérieur de la communauté en organisant des événements originaux. Basés sur la forme des talk-shows de télévision, les jeunes, au lieu de simplement discuter des textes sacrés, peuvent parler ouvertement de questions personnelles ou spirituelles et demander conseil auprès de leurs pairs et des chefs d’Eglise.
SaRang Church, l’une des plus grandes de Corée du Sud, a développé une application pour lire la Bible. Incluant une barre de recherche, cette application rend ce texte sacré plus accessible et offre la capacité de trouver des passages précis avec la recherche de mots clés.
Une hiérarchie à remettre en question
Le Révérend Nak-hyon Joseph Joo, 49 ans, vice-doyen à la Seoul Anglican Cathedral, organise des programmes spécialisés pour les jeunes croyants. D’après le Révérend Joo, l’Eglise travaille constamment à mettre à jour ses enseignements pour être pertinente pour les jeunes et à décidé de tenir des rassemblements spécialement conçus pour eux. Joo s’inspire de Theology on Tap, une pratique fondée aux États-Unis, dans laquelle les Eglises organisent des conférences et des discussions dans des contextes informels, généralement des restaurants ou des bars. Le soir du troisième jeudi de chaque mois, le Révérend Joo organise un rassemblement dans un café, où tous sont les bienvenus, des fidèles de l’Eglise et leurs amis aux athées curieux, pour discuter non seulement de théologie, mais aussi de préoccupations personnelles, sociales et problèmes politiques. Habituellement, environ 20 personnes assistent et participent à des conversations spirituelles, ou restent silencieuses si elles le désirent.
Francis Jae-ryong Song, professeur à l’Université Kyung Hee à Séoul, a mené des recherches sur le phénomène des Eglises essayant de retenir les jeunes fidèles et fait valoir que les Eglises, comme tant d’autres en Corée du Sud, sont un écosystème compétitif. À l’instar de la façon dont les entreprises privées sont en compétition pour les clients, les Eglises rivalisent pour attirer les fidèles. En effet, le nombre croissant est considéré comme un indicateur de bonne santé dans une Eglise. « De nombreuses Eglises coréennes ont des structures autoritaires et il n’y a pas de structure de communication interactive ou démocratique. Cela empêche les jeunes de participer activement au processus décisionnel de l’Eglise », a déclaré Song. Il ajoute que les événements de conversation en direct que certaines Eglises utilisent sont essentiels pour permettre aux jeunes membres de s’exprimer confortablement. Dans ses recherches, le professeur Song a décrit une « incompatibilité entre le langage de la foi entre les générations », où les dirigeants de l’Eglise utilisent encore des méthodes anciennes de discours qui aliènent les jeunes.