Le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme a publié le 4 aout 2017 un rapport sur la crise qui sévit dans Kasaï, au centre de la RD Congo. Une équipe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) déployée en Angola du 13 – 23 juin 2017 a pu interviewer environs 96 réfugiés ayant fui les violentes attaques survenues entre le 12 mars et le 19 juin 2017 dans plusieurs villages du territoire de Kamonia, dans la province du Kasaï. Dès témoignage effroyables recueillis accompagnés d’images insoutenables, livrent de précieuses informations sur les protagonistes et les enjeux du conflit.
Un conflit meurtrier
La crise se déroule dans 6 provinces du grand Kasaï et met en scène les forces gouvernementales, la milice pro-gouvernementale des Bana Mura et la milice anti-gouvernementale des Kamuina Nsapu. D’aout 2016 à juillet 2017, au moins 80 fosses communes ont été identifiées par la MONUSCO et des centaines de cas de violations des droits humains documentés par le HCDH. En l’espace de 3 mois, environs 30 000 personnes, toutes ethnies confondues, auraient fui le Kasaï pour l’Angola, tandis que 1,3 million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays.
Les crispations identitaires d’un conflit politique
Selon le rapport, c’est à partir d’avril 2017 que la crise aurait pris une dimension ethnique croissante. Les témoignages recueillis font état de ce que certaines forces gouvernementales et chefs locaux auraient soutenu, organisé et utilisé des individus appartenant aux communautés Tchokwe, Pende et Tetela pour mener des attaques planifiées et ciblées contre les ethnies Luba et Lulua majoritaires dans le Grand Kasaï et qui constituent de façon quasi exclusive la milice Kamuina Nsapu. Ces derniers ne sont pas exempts de toute critique puisqu’ils s’en seraient pris aux représentants de l’État (policiers, les militaires, les agents de renseignement et les fonctionnaires), aux individus soupçonnés de pratiquer la sorcellerie (indépendamment de leur appartenance ethnique), aux enfants et aux populations appartenant au groupe ethnique Tchokwe et Pende.
D’après les témoignages qui figurent dans le rapport, les Kamuina Nsapu auraient commis des violations envers 86 victimes (dont 70 tuées) contre 171 victimes (dont 150 tués) pour les Bana Mura. Présenté comme un groupe d’autodéfense constitué pour protéger leurs villages contre la milice de Kamuina Nsapu, les Bana Mura se seraient organisés en avril 2017 pour agir en représailles aux massacres perpétrés par les Kamuina Nsapu contre les autres communautés au mois de mars 2017.
Le HCDH rappelle qu’il s’agit au départ d’un conflit politique, provoqué par la tentative du gouvernement centrale de nommer une autorité traditionnelle loyale contrairement aux dispositions coutumières, qui a viré en affrontement ethnique avec des campagnes d’élimination systématique de certaines ethnies. Une guerre larvée où la partialité du pouvoir centrale accroît le risque d’une flambée de violence dans l’avenir, notamment attisée par un contexte politique national tendu dans lequel le ton se durcit jour après jour entre le pouvoir et ses adversaires politiques.
Image : By SSgt. Jocelyn A. Guthrie, Public Domain