Près de deux ans après l’échéance prévue de son second mandat, et à quelques mois d’une élection fixée au 23 décembre 2018, le Président Joseph Kabila suscite par son silence de nombreuses inquiétudes et interrogations. Face à une opposition fragmentée, dont plusieurs leaders sont emprisonnés ou en exil, l’Église catholique est devenue la première force mobilisatrice du pays, engagée en faveur du respect de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Après avoir accompagné, en décembre 2016, la signature de l’accord de la Saint Sylvestre entre la majorité présidentielle et l’opposition, l’Église soutient aujourd’hui les initiatives des laïcs chrétiens pour réclamer le départ effectif du Président Joseph Kabila. Un engagement que le pouvoir et ses soutiens ne voient pas d’un bon œil.
Les évêques et le Comité laïc de Coordination alignés en faveur de l’alternance démocratique
A quelques jours d’un discours très attendu du Président Joseph Kabila, la confrontation entre les chrétiens catholiques et le parti au pouvoir se fait de plus en plus visible. Vendredi 29 juin, l’Église catholique, par le biais de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), formulait une nouvelle fois ses craintes face au climat politique tendu et à la situation sécuritaire instable en RDC. Reconnaissant les avancées dans le calendrier électoral, elle appelle la population à ne céder « ni à la peur, ni à la résignation, encore moins à la violence » et à résister « à l’achat des consciences et aux manipulations politiciennes ». Tout en réclamant une transparence totale et la publication rapide des listes électorales provisoires, les évêques demandent à la Céni (Commission électorale nationale indépendante) d’accepter une expertise nationale et internationale sur la fiabilité de la machine à voter.
Dans le même temps, le Comité laïc de Coordination (CLC) adresse un sérieux avertissement à Joseph Kabila, à son gouvernement et à son parti. Ce comité, né à la fin de l’année 2017 et composé de huit intellectuels catholiques engagés, a menacé en effet d’organiser une mobilisation de grande ampleur si le Président Kabila venait à se présenter à l’élection présidentielle de décembre prochain. Les dernières marches qu’il avait organisées, notamment avec le soutien de Mgr Monsengwo, évêque de Kinshasa, avaient été violemment et mortellement réprimées par les forces de l’ordre. Depuis, les relations sont extrêmement tendues entre les deux bords. Menaces et interpellations directes se multiplient et sont accentuées par le mutisme du Président sortant.
A la veille des dépôts de candidatures, le silence inquiétant de Joseph Kabila
Aux pressions de plus en plus insistantes de ses détracteurs, Joseph Kabila répond par le silence et répète qu’il respectera la Constitution. Dans ce contexte, il dénonce l’existence de « pesanteurs de tous ordres » et appelle la population à s’accrocher au processus électoral. Depuis plusieurs mois cependant, de nombreuses tractations se font dans le camp présidentiel et rendent incertaines les prévisions concernant la décision finale de Joseph Kabila. Récemment, ce sont les nouvelles nominations que le Président Kabila a effectué à la tête de l’armée congolaise qui ont fait resurgir les craintes de l’opposition. Cette dernière y voit des velléités de confiscation du pouvoir et de musellement de l’opposition, par l’emprise du pouvoir sur la hiérarchie militaire. Des accusations auxquelles plusieurs hauts responsables du parti au pouvoir n’ont pas hésité à répondre par la provocation
Une riposte virulente de la part des soutiens de Joseph Kabila
Dans une tribune, Kambere Kalumbi Ferdinand, secrétaire permanent adjoint du PPRD, a ainsi qualifié la mise en garde du CLC de véritable « discours d’intoxication, mêlé de haine, de jalousie et de calomnie contre Joseph Kabila ». Il défend l’éligibilité de Joseph Kabila contre la limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels et accuse la Cenco de faire du mandat de Joseph Kabila « un fond de commerce ».
Allant à l’encontre d’une autre mise en garde, adressée à Joseph Kabila par des intellectuels congolais, Kambere Kalumbi Ferdinand déclare fonder son positionnement sur la « nouvelle Constitution » de 2011, qui donne aujourd’hui, selon lui, le droit à Joseph Kabila de « se représenter comme candidat indépendant pour un second mandat ». Selon lui, en effet, « La Constitution qui a été révisée en 2011 a révisé un principe du suffrage universel. Il y a eu un nouveau régime d’élection présidentielle. Sous ce régime là, le chef de l’Etat n’a été élu qu’une seule fois. Mais, s’il le veut, il peut [se représenter]. S’il ne le veut pas, il peut laisser le parti désigner quelqu’un d’autre ».
Cette analyse est cependant loin de faire l’unanimité, surtout du côté de l’opposition et de la société civile.
Image : Centre interdiocésain de Kinshasa – Signature le 31 décembre 2016, sous l’égide de la conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) d’un accord politique entre les signataires de l’accord du 18 octobre 2016 et ceux de l’opposition qui n’y ont pas participé. Photo MONUSCO/ John Bompengo, CC BY-SA 2.0