L’implication politique de l’Église catholique en RDC n’a jamais été plus visible et clivante qu’en ces derniers jours, à quelques mois de l’élection présidentielle du 23 décembre 2018. Le lancement des dépôts de candidature, ce 24 juillet 2018, a conduit à complexifier encore plus la scène politique congolaise. Un nouvel acteur est, en effet, apparu : l’archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo Pasinya.
Mgr Laurent Monsengwo, futur candidat à la présidence de la RDC ?
L’éventualité d’une candidature de Mgr Laurent Monsengwo a été l’une des informations phares de la semaine du 23 juillet. Plusieurs médias congolais ont en effet relayé l’appel lancé au prélat par une structure politique dénommée Dynamique chrétienne pour l’unité et le développement (DCUD). Celle-ci a, dans une pétition signée le vendredi 20 juillet à Kinshasa, plébiscité le Cardinal Monsengwo comme candidat à la présidentielle de décembre.
Ce regroupement politique né très récemment, se réclame le « fruit de prières des fidèles catholiques, protestants, salutistes, pentecôtistes et évangéliques », regroupés au sein des organisations officielles des laïcats. Pour ses initiateurs, le Cardinal Monsengwo apparaît comme la figure capable de faire le consensus parmi tous les leaders politiques et sociaux. Pour eux, il « n’est pas un acteur politique qui va chercher à arriver au pouvoir pour s’y cramponner ». Il constituerait ainsi « une alternative sûre et crédible pour assurer une alternance pacifique et apaisée à la présidence de la RDC ».
Une opposition qui évolue en rangs dispersés
Mais la perspective d’une candidature du prélat est loin de faire l’unanimité, y compris dans les rangs des autres partis et mouvements d’opposition congolais. En effet, l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) s’est montrée catégorique sur la question. Pour ses membres, « L’UDPS a son candidat président de la République et c’est Monsieur Félix Tshisekedi ». A l’opposé, l’Union pour la nation congolaise (UNC), via son président Vital Kamerhe, s’est dite favorable à la candidature de Mgr Monsengwo.
Dans un tel climat, le plus grand obstacle sur la route vers l’alternance pourrait bien être l’éclatement de l’opposition congolaise. Car si la candidature de Mgr Monsengwo a été avancée, c’est peut-être aussi pour pallier l’incapacité de cette opposition à faire front commun. On recense à ce jour pas moins de sept candidats déclarés de l’opposition, à savoir Félix Tshisekedi, Moïse Katumbi, Jean Pierre Bemba, Vital Kamerhe, Adolphe Muzito, Martin Fayulu et Freddy Matungulu.
Des ambitions politiques anciennes
Le refus d’une candidature de Mgr Monsengwo est encore plus farouche du côté des acteurs politiques proches de la mouvance présidentielle. Plusieurs d’entre eux ont très vite décrié l’initiative de la DCUD, dénonçant son instrumentalisation par l’archevêque de Kinshasa. L’un des plus virulents de ces détracteurs est sans contexte Roland Ngoie Kiloka, Président du Comité de Soutien au Président Joseph Kabila. Ce membre de la diaspora congolaise a notamment été Conseiller du Président de la République et membre de la Commission des affaires étrangères au sein du Conseil économique et social congolais. Lundi 23 juillet, il suggérait ainsi que le Cardinal Monsengwo – ce « politicien en soutane » – ait « le courage d’agir au grand jour et de choisir entre la politique et l’Église ».
Ce positionnement de Kiloka n’est pas nouveau : il voyait déjà dans l’engagement de la Cenco une autre instrumentalisation du Cardinal Monsengwo. Pour lui, « les agitations de Mgr Monsengwo s’inscrivaient dans une logique de prise de pouvoir qu’importe les moyens ». Selon ses propos, le prélat aurait même eu « des ambitions politiques depuis 1990 ». Une référence à l’époque du règne de Mobutu Sese Seko, durant laquelle Mgr Monsengwo, déjà très engagé, avait eu la charge de présider la Conférence nationale souveraine de 1990. La présidence de la Transition nationale puis du Parlement de transition lui avait également été confiée, entre 1992 et 1996.
Une tentative de démobilisation de l’opposition chrétienne ?
Mais face à la tentation de se laisser emporter par le sensationnalisme de cette initiative de la DCUD, le Comité laïc de coordination (CLC), proche de l’Église catholique, appelle le peuple congolais à la prudence. Il perçoit en effet cette pétition comme une action montée pour distraire l’opinion et l’éloigner des réels problèmes qui se posent. En attendant des clarifications de la Cenco et de Laurent Monsengwo, d’aucuns nourrissent toujours l’espoir de voir ce dernier endosser cette responsabilité.
Image : Procession of the Precious Blood of Jesus Christ-Bruges, By Carolus, Wikimedia Commons CC BY SA 2.5