Dans un courrier rendu public le 23 juin 2017, les évêques de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) ont partagé leurs profondes inquiétudes sur le climat économique, politique et sécuritaire qui règne en RDC et ont appelé les Congolais à la mobilisation. Ils y ont par ailleurs rappelé l’obligation d’organiser les élections présidentielles avant la fin de l’année 2017, conformément à l’accord du 31 décembre 2016 signé par la majorité et l’opposition. Cette sortie n’a visiblement pas plu au Président Kabila qui a réagi le 26 juin en accusant les évêques de vouloir « créer le désordre ». Trois jours plus tard, c’est au tour de la majorité présidentielle de riposter dans une déclaration du bureau politique qui souligne que « la CENCO devrait éviter tout discours direct ou indirect incitant à la violence et à la désobéissance civile ».
Cette réplique traduit sans doute l’ouverture d’une nouvelle séquence de ce long feuilleton politique marqué par une opposition permanente entre l’Église catholique et le régime de Kinshasa. Déjà en mars dernier, les évêques qualifiaient de « mascarade » la condamnation de l’opposant Moïse Katumbi par la justice congolaise. Ils avaient plaidé dans un rapport confidentiel adressé au président Kabila pour « le retrait » de la décision d’arrestation immédiate de Moïse Katumbi et « son retour en homme libre afin qu’il exerce ses droits civils et politiques » en RDC. Un appel manifestement resté lettre morte puisque le régime a maintenu les pressions judiciaires contre ce dernier, de quoi cristalliser les tensions entre l’épiscopat et pouvoir congolais. Le divorce entre les autorités politiques et le corps ecclésiastique ne date pas d’aujourd’hui en RDC.
Une longue tradition de lutte contre l’ordre colonial et dictatorial
L’Église catholique est historiquement un acteur clé de l’arène politique congolaise. Depuis la période coloniale, elle a contribué à façonner les figures de la résistance tout en offrant à ce jeune pays, dès son accession à l’indépendance, ses premiers leaders politiques : le président Joseph Kasa-Vubu, le premier ministre Joseph Iléo ou encore le cardinal Joseph-Albert Malula. Une forte connexion avec les milieux de pouvoir qui lui a permis d’assoir son influence dans l’arène politique.
Dès son arrivée au pouvoir en 1965, le Marechal Mobutu essaiera en vain de diluer cette influence derrière sa politique de Zaïrianisation. L’Église, sortie indemne de cette épreuve de force, soutint activement les mouvements qui se constituèrent dans les années 1990 pour exiger la transition démocratique en RDC. Les pressions exercées sur le pouvoir à cette époque ont permis la création en février 1991 d’une Conférence nationale souveraine (CNS) dont les travaux étaient dirigés par Monseigneur Laurent Monsengwo. Cependant devant les tentatives du régime Mobutu de fermer le CNS en 1992, l’Église catholique appela les chrétiens à descendre dans les rues de Kinshasa pour en réclamer sa réouverture. Le 16 février 1992, des milliers des Kinois descendaient dans la rue pour une marche pacifique dénommée «marche de l’espoir» qui sera finalement réprimée dans le sang.
Les événements observés ces derniers jours et la radicalisation du discours de l’Église catholique augurent-ils la répétition d’un tel scénario ? Aucune hypothèse ne doit être rejetée d’autant plus que le pouvoir n’est actuellement pas ouvert au moindre compromis sur les sujets de désaccord présentés par l’épiscopat.
Image : Centre interdiocésain de Kinshasa – Signature le 31 décembre 2016, sous l’egide de la conference episcopale nationale du Congo (CENCO) d’un accord politique entre les signataires de l’accord du 18 octobre 2016 et ceux de l’opposition qui n’y ont pas participé. Photo MONUSCO/ John Bompengo, CC BY-SA 2.0