Le 17 novembre 2017, Amanda Spielman, inspectrice en chef d’Ofsted (Office for Standards in Education, Children’s Services and Skills, un bureau gouvernemental attaché à l’inspection de l’éducation et des politiques de l’enfance) a dévoilé son projet d’enquête sur le port du voile à l’école primaire. Cette annonce fait suite à une consultation auprès d’acteurs musulmans et laïques souhaitant interdire le hijab à ce stade de la scolarité. Pour Amanda Spielman, « créer un environnement où l’on attendrait d’élèves du primaire qu’elles portent le hijab pourrait être interprété comme une sexualisation des jeunes filles ». Elle souhaite que des inspecteurs d’Ofsted aillent sur le terrain parler à ces enfants pour comprendre les raisons qui les poussent à porter le voile. Mais derrière la question de la sexualisation précoce, on trouve également une inquiétude de la part d’Ofsted vis-à-vis de groupes fondamentalistes qui influenceraient la politique de certaines écoles.
Un article de The Jewish Chronicle, hebdomadaire londonien et plus ancienne publication juive sans interruption au monde, revient sur les enjeux de cette enquête et expose quelques inquiétudes.
Inquiétude de plusieurs institutions religieuses
La communauté juive est l’une des premières à faire part de ses inquiétudes suite à cette annonce. Le Rabbin David Meyer, directeur exécutif du Partenariat pour les Écoles Juives, a décrit cette décision comme « très troublante », inquiet qu’Ofsted suive un « agenda anti-foi ». Son conseil d’administration attend des explications plus détaillées de la part d’Ofsted. Judith Nemeth de l’Association Nationale des Écoles Juives Orthodoxes s’est également insurgée contre ce qu’elle considère comme un « barrage constant sur les standards religieux et éthique » de la part du service d’inspection d’Ofsted, qu’elle juge « disproportionnée ». Elle a ajouté qu’elle ne peut pas « imaginer que porter un hijab empêche le cerveau de traiter des informations et des compétences, ce qui est la base du système éducatif ». La communauté musulmane a également réagi en la personne d’Harun Khan, secrétaire général du Conseil Musulman de Grande-Bretagne, qui a appelé Ofsted à revenir sur son « approche mal avisée ».
La Grande-Bretagne vers une approche française du voile ?
On peut comprendre qu’Ofsted s’inquiète de la prolifération de hijabs dans les écoles primaires – en effet, certaines interprétations de l’islam disent que le voile ne se porte que dès la puberté. Partant de cette interprétation, porter un voile à l’école primaire, et donc certainement avant les premières règles, peut poser problème et sous-entendre une interprétation extrême de la religion musulmane. Le débat n’est pas sans rappeler celui qui avait accueilli la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école en France en 2004, la différence étant que cette annonce concerne directement et sans équivoque les jeunes filles musulmanes. Le Royaume-Uni n’en est pas encore à adopter la très controversée approche française sur la question de la religion dans les écoles publiques, mais cette investigation lancée par Ofsted pourrait donner lieu à des graves problèmes de discrimination envers la communauté musulmane. La question est : Ofsted s’inquiète-t-il plutôt des jeunes filles musulmanes portant le voile ou de potentiels groupes fondamentalistes affectant les écoles ? Les deux problèmes sont très différents et devraient en principe amener à des approches distinctes. Mais pour ce faire, Ofsted doit d’abord clarifier les raisons exactes de cette investigation, et non cacher une inquiétude en enquêtant sur une autre.
Image : Fatima dreams of becoming a doctor, By Adam Patterson/Panos/DFID, Flickr, CC BY 2.0