Certaines rumeurs circulent sur les relations entre les différentes communautés religieuses dans les Territoires palestiniens. Elles laissent souvent à penser que la cohabitation entre musulmans et chrétiens y est compliquée (rumeurs de persécutions contre les chrétiens, imposition de la charia…). Dans cet article, publié dans le journal en ligne spécialisé sur l’actualité du monde musulman Saphir News, le chercheur Jean-François Legrain (Université Aix-Marseille/CNRS-IREMAM) nous éclaire sur les véritables relations interconfessionnelles dans ces territoires.
Le consensus autour du statut de l’islam dans les Territoires Palestiniens
Contrairement à certaines idées reçues, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) ne milite pas pour un Etat laïc. Ainsi, l’article 4 du statut de la Loi fondamentale de 2003 dispose que l’islam est la « religion officielle », même s’il est précisé que « respect et sanctification vont aux autres religions célestes » (christianisme et judaïsme). Les « principes de la charia » sont reconnus, comme une « source principale de la législation », mais l’article 9 du même texte dispose qu’il existe une égalité de droit entre les membres de toutes les confessions et l’article suivant affirme la liberté de croyance, de culte et d’exercice de fonctions religieuses. Allant une fois de plus contre certaines idées reçues, Jean-François Legrain explique que ce statut de l’islam fait l’objet d’un consensus assez large parmi des Palestiniens. En réalité, seuls le Parti de la Liberté et quelques groupes salafistes minoritaires souhaitent qu’il soit remis en question. En effet, ce statut privilégié de l’islam est contrebalancé par une surreprésentation des chrétiens dans les hautes sphères politiques palestiniennes.
Occupation et communautés religieuses
Finalement, les conflits entre Palestiniens musulmans et Palestiniens chrétiens existent, mais ils sont marginaux et les relations entre ces deux communautés sont globalement bonnes. S’il existe des tensions interconfessionnelles, c’est donc plutôt entre ces communautés et les Juifs israéliens. La plupart du temps, ces violences dépassent le simple conflit inter-religieux et engagent d’autres dimensions, notamment la question de l’occupation. Ces tensions mêlent alors religion, nationalisme et politique.
Cet article rappelle que l’un des obstacles majeurs à la cohabitation entre groupes religieux est bel et bien cette occupation, qui engage par ailleurs la question de l’accessibilité aux lieux saints : comme l’avait montré un rapport publié par la Commission of Churches in international Affairs (CCIA) et le Conseil Œcuménique des Eglises en 2012 (rapport intitulé « la foi sous l’occupation »), chrétiens et musulmans palestiniens partagent les mêmes réalités qui sont celles de l’occupation. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les tensions entre ces communautés sont donc quasi inexistantes et le statut privilégié de l’islam dans la législation palestinienne n’est pas un objet de discorde. Les principales tensions éclatent entre Palestiniens et Juifs israéliens extrémistes, malgré les efforts de l’Etat hébreux pour entretenir des relations amicales avec les chrétiens.
Image : Israeli West Bank barrier, By Montecruz Foto, Flickr, CC BY-SA 2.0.