Suite au décès de l’ancien président de la République Béji Caïd Essebsi (premier président élu du pays) le 25 juillet 2019, des élections anticipées ont été organisées. Le premier tour des élections a eu lieu le dimanche 15 septembre. La date du second tour n’a pas encore été annoncée.
Une pluralité de candidats
Sur les très nombreuses candidatures, 26 candidats ont été retenus. Nous pouvons citer l’actuel Premier ministre Youssef Chahed, l’ancien président de la République du gouvernement de la Troïka et militant des droits de l’homme Moncef Marzouki, l’ancien Premier ministre Mehdi Jomaa, le ministre de la Défense de l’actuel gouvernement Abdelkrim Zbidi, etc.
Parmi les candidatures réfutées, celle qui a fait l’objet d’une large couverture médiatique a été celle de l’avocat Mounir Baatour. Président de l’association Shams, il se présentait en tant que candidat défenseur des minorités (dont celle des Amazigh) et des droits LGBT. Néanmoins, certains soulignent que ce dernier ne fait pas l’unanimité parmi les associations militantes de la cause LGBT. Mounir Baatour aurait été empêché de participer en raison de son incapacité à recueillir les 10 000 signatures nécessaires.
Le parti islamiste Ennahda a pour la première fois choisi de proposer un candidat issu de son parti – Abdelfattah Mourou – membre fondateur du mouvement islamiste dans les années 60. Ce candidat est plutôt issu de l’aile modérée du parti, ce qui permettrait d’attirer un électorat plus large.
Un des candidats favoris est Nabil Karoui. Homme d’affaires et président de la chaîne télé Nessma Tv, il a été emprisonné le 23 août pour blanchiment d’argent. Ce dernier et ses supporters considèrent cela comme faisant partie d’un complot pour l’écarter de la course à la présidentielle et pointent du doigt l’actuel Premier ministre et candidat Youssef Chahed.
Parmi les candidats, il y a aussi deux femmes : Salma Elloumi et Abir Moussi qui ont toutes les deux fait l’objet de vives critiques. Salma Elloumi est une femme d’affaires, rentrée en politique après la révolution. Elle a notamment occupé le poste de Ministre du Tourisme dans le gouvernement issu des dernières élections de 2014. Elle a été critiquée pour son ignorance des deux premiers articles de la Constitution Tunisienne lors d’un entretien dans une célèbre émission de radio. L’avocate Abir Moussi, elle, est connue pour ses positions anti-islamistes (notamment contre le parti Ennahda) mais surtout pour avoir été une militante et défenseur du parti RCD (du président déchu Zine el Abidine Ben Ali). Cette dernière avait occupé le poste de secrétaire générale adjointe chargée de la Femme.
Du renouveau dans la campagne électorale mais des problèmes qui demeurent
Autre fait marquant et une première dans le pays a été l’organisation de trois soirées de débats télévisés entre les candidats (le samedi 07, dimanche 08 et lundi 09 septembre). Ces débats ont été pour beaucoup un révélateur de la faiblesse de nombreux candidats à défendre leurs idées.
Malgré les nombreuses défaillances, cette campagne électorale symbolise une réussite pour ce pays qui semble faire preuve de stabilité et de démocratie. Cependant, ces élections permettent aussi de constater une forme de désenchantement… Nous sommes loin de l’engouement de l’après-révolution de 2011. En effet, nombreux sont les électeurs qui considèrent que les différents gouvernements et présidents qui se sont succédés à la tête du pays ont été plus focalisés sur leurs propres intérêts que sur ceux du pays. Parmi les sujets qui continuent à poser problème il y a celui du chômage des jeunes, des inégalités territoriales, ainsi que la corruption.
Premiers résultats
Bien que l’annonce des résultats officiels soit prévue pour mardi, deux candidats sont donnés comme favoris par les sondages : Nabil Karoui ainsi que Kaïs Saïed. Si ces résultats se confirment, les instances juridiques devront trancher sur la possibilité de Monsieur Karoui – un candidat accusé d’évasion fiscale – de participer et, peut-être remporter des élections présidentielles. Alors que Nabil Karoui a été l’un des candidats les plus médiatisés lors de cette campagne, Kaïs Saïed s’est fait remarquer pour sa très grande discrétion et son « ascétisme ». Candidat indépendant, ce professeur de droit constitutionnel, est connu comme étant quelqu’un de conservateur. Il déclare être contre l’homosexualité et certains l’accusent d’être proche du milieu salafiste. Ce dernier aurait réussi à convaincre son électorat sans moyens ni parti.
Image : Et on plonge son doigt dans cette encre bleue indélébile avec l’espoir d’une démocratie indélébile! by Amine Ghrabi, Flickr CC BY 2.0