La protection des minorités en Tunisie s’arrête-t-elle aux religions du Livre ?
Le 23 mars 2021, la représentante du ministère des Affaires religieuses, Mme Messaouda Battikh a annoncé que le ministère travaillait à un projet de création d’un département consacré aux minorités religieuses. Elle a précisé que différents textes régissent déjà les rapports avec les minorités religieuses en Tunisie. Pour ce qui est des catholiques, un accord avait été signé en 1964 avec le Vatican. Cet accord leur garantit « le libre exercice du culte ». Une loi datant de 1958 régit la pratique religieuse de la minorité juive. Cette loi crée une « communauté strictement confessionnelle ».
Un droit garanti par la Constitution malgré quelques failles
La Constitution tunisienne garantit également la protection des minorités religieuses. L’article 5 de la première Constitution du pays (1959) déclarait: « La République tunisienne garantit l’inviolabilité de la personne humaine et la liberté de conscience, et protège le libre exercice des cultes, sous réserve qu’il ne trouble pas l’ordre public.» Le texte constitutionnel paru après la révolution de 2011 datant de 2014 réitère ce droit. En effet, l’article 6 déclare: « L’État est le gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance et de conscience et le libre exercice des cultes ».
Cependant, beaucoup considèrent qu’il existe des limites à cette liberté de culte. En effet, l’article 37 de la Constitution de 1959 ou bien l’article 74 de la Constitution de 2014 en témoignent. Ce dernier article déclare que le président de la République doit être de confession musulmane. D’autres parlent aussi d’une atteinte à la liberté des musulmans non pratiquants et des athées du fait de l’interdiction d’acheter de l’alcool dans les grandes surfaces les vendredis ou des limitations durant le mois du ramadan.
Le cas des bahaïs en Tunisie
Une affaire récente montre une autre possible faille à la liberté de croyance. Cela concerne l’Association bahaïe en Tunisie. Le bahaïsme est une religion monothéiste, née au XIXe siècle dans l’actuel Iran, qui est issue du chiisme. Selon le bahaïsme, toutes les religions œuvrent pour l’unité et la paix et leurs différences sont uniquement liées au contexte dans lequel elles ont évolué. Selon le site officiel des bahaïs de Tunisie, cette religion serait arrivée dans le pays depuis l’Égypte en 1921. Différentes sources attestent de sa présence dans le pays bien que les nombres d’adeptes soient assez faibles. Le rapport sur les minorités du département d’État américain publié en 2019 dénonçait le refus de la part des autorités en 2018 de reconnaître un statut légal à cette religion.
Un éditorial publié sur le journal en ligne Kapitalis dénonce la décision du gouvernement tunisien de refuser encore une fois la déclaration de la formation de l’Association bahaïe en Tunisie sous prétexte qu’il ne s’agissait pas d’une religion monothéiste. En effet, par monothéisme le gouvernement reconnaîtrait seulement l’islam, le judaïsme et le christianisme. En réponse à cela, l’association a décidé de poursuivre le gouvernement pour discrimination. Le 15 mars, ils ont déposé une plainte contre différents représentants politiques et religieux. Le 16 mars ils organisaient une conférence de presse pour dénoncer ce fait auprès des journalistes. Ils ont profité de cette conférence pour distribuer les copies des documents de refus du gouvernement prouvant selon eux que ce refus était fondé sur des preuves inacceptables (une fatwa y figure accusant les bahaïs d’apostasie).
Image : Hanan Isachar, Free licence.