Le patrimoine religieux d’Antakya anéanti par le double séisme en Turquie
Le 6 février 2023, deux séismes de magnitude 7,8 puis 7,5 ont touché le Sud-Est de la Turquie et le Nord de la Syrie. À ce jour, les chiffres officiels annoncent 50 000 morts sans compter ceux encore présents sous les décombres. Le nombre total pourrait, d’après certains spécialistes, atteindre 200 000 morts. Le drame aurait provoqué l’exode d’1 million de personnes parties se réfugier dans des villes plus sûres. S’ajoutent aux lourdes pertes humaines, des dégâts matériels sans précédent. En effet, la destruction de plusieurs centaines de milliers de lieux de vie, d’immeubles institutionnels, d’hôpitaux, mais aussi du patrimoine historique du pays accentue la tragédie.
Antakya, ville emblématique d’un patrimoine multiculturel
Antakya ou Antioche en français, située dans le Sud-Ouest de la Turquie et proche de la frontière syrienne a été fondée vers 300 avant J.-C, par Séleucos Ier Nicator, l’un des généraux d’Alexandre le Grand. La ville a la particularité d’avoir accueilli et vu se développer les trois religions monothéistes. Par la suite, 13 civilisations et 27 cultures différentes ont réussi à cohabiter. Antakya a toujours été un carrefour commercial appartenant à la route de la soie. La ville abritait avant le tremblement de terre une véritable mosaïque des cultures avec des alévis, des Arméniens, des alaouites, des chrétiens, des Juifs mais aussi des réfugiés syriens depuis 2011.
Une multitude d’édifices religieux détruits par le séisme
Forte de sa multiculturalité, la ville abrite de nombreux édifices religieux construits au fil des siècles pour les fidèles des trois grandes religions monothéistes. La veille est connue pour être l’une des régions les plus sismiques au monde. Des séismes ont dans le passé détruit ce précieux héritage culturel qui a, malgré toutes les difficultés techniques, fait l’objet d’une reconstruction. Ce séisme d’une ampleur sans précédent au XXIe siècle en Turquie a considérablement détruit l’héritage religieux d’Antakya : synagogues, églises, mosquées, forts romains… La reconstruction d’un tel héritage nécessitera de nombreuses années et un budget spécifique qui devra être à la hauteur du désastre.
De nombreuses mosquées anéanties ou endommagées
De nombreux monuments comme la plus ancienne mosquée d’Anatolie Habib-i-Neccar s’est effondrée. Cette mosquée à l’histoire intéressante a d’abord été une église en 638 au moment de sa construction. Elle s’est par la suite transformée en mosquée au fil des décennies. Détruite une première fois par le tremblement de terre de 1853 puis reconstruite, la mosquée Habib-i-Neccar a définitivement disparu le 6 février 2023. Cependant, la relique sacrée – la barbe du prophète – a pu être mise à l’abri.La mosquée Yeni Cami et la Ulu Cami se sont elles aussi effondrées. La mosquée de Sermaye construite au début du 18e siècle a quant à elle perdu son minaret. L’expert Omer Dabanli a estimé qu’il était possible d’envisager une reconstruction pour la mosquée Habib-i Neccar.
Le berceau du christianisme perd une partie de ses églises
La ville d’Antakya est un haut symbole du christianisme puisque les apôtres Paul et Pierre y auraient écrit les enseignements de Jésus. C’est à Antioche que les fidèles de Jésus ont été appelés chrétiens pour la première fois. La ville est sacrée lieu de pèlerinage par le pape en 1963. À cette date, il reconnaît l’église de la grotte Saint-Pierre comme étant la première cathédrale au monde. Antakya possède au total une dizaine d’églises qui ont elles aussi subi le tremblement de terre. L’Église grecque orthodoxe, siège du patriarche grec jusqu’au 14e siècle a été complètement détruite dans le séisme. De même pour une église protestante construite récemment dans un bâtiment datant de 1860. L’église Saint-Pierre est quant à elle restée debout.
Un patrimoine juif au bord de la disparition
Restée dans la ville pendant environ 2300 ans, la population juive a fortement diminué avec le temps. Deux vagues de migration importantes ont eu lieu dans les années 60 et 70. Avant le séisme, seulement une dizaine d’individus vivaient à Antakya. Si la synagogue a subi de faibles dommages, l’ancien rouleau de Torah a été mis en sécurité ailleurs. En revanche, le tragique événement a causé la mort de Şaul Cenudioğlu, président de la communauté juive et de sa femme, tués sous les décombres. Les quelques membres de la communauté sont partis vivre à Istanbul et ne savent pas s’ils reviendront un jour. Si c’est le cas, la ville d’Antakya perdrait une immense partie de sa richesse culturelle. D’après İvo Molinas, rédacteur en chef de la publication judéo-turque Salom « La vie juive dans la ville a de facto pris fin ».
Conclusion
Après un double séisme ravageur, les défis sont de taille pour le pouvoir actuel, d’autant plus à trois mois des élections. Au-delà de l’appui aux sinistrés, le travail de reconstruction du patrimoine religieux de la ville dans sa pluralité sera à observer dans les mois et années à venir .
Image : Photo de couverture – Tweet du compte du @NadaaBashir publié le 25 février 2023