Le 27 août 2018, le journal Hurriyet, un des journaux les plus populaires de Turquie, a publié un article sur le bilan du système éducatif pour les Syriens en Turquie. Cet article réunit des statistiquesréalisées par la Direction de la Migration du Ministère de l’Intérieur turc, et montre que plus de 610 000 enfants syriens ont été intégré au système éducatif turc pendant l’année scolaire 2017-2018. L’occasion de comprendre comment le pays prend en compte les Syriens qui sont réfugiés sur le territoire (même s’ils n’en ont pas le statut) et notamment l’éducation proposée aux enfants.
Le bilan de l’année scolaire 2017-2018
Selon les chiffres de la Direction de la Migration turque, 976 200 enfants syriens sont en âge d’être scolarisés.
Le détail des chiffres pour l’année 2017-2018 est le suivant :
- 374 304 Syriens et Irakiens ayant le statut ‘geçici koruma’ (« protection temporaire ») ont suivi le cursus national normal, en turc ;
- 222 429 Syriens étaient inscrits dans un Geçici eğitim merkezi’ (GEM – Centre temporaire d’éducation) ;
- 14 129 Syriens étaient inscrits en formation à distance.
Si l’on regarde les chiffres par âge, 36 548 enfants syriens étaient inscrits à la crèche, 374 304 vont à l’école primaire, 137 613 syriens vont au collège et 61 813 vont au lycée ou bien suivent une formation à distance.
Les centres temporaires d’éducation, projet exemplaire ou problématique pour l’ensemble du système national ?
La Turquie a récemment décidé de fermer les centres temporaires d’éducation, dans le but de mieux intégrer les enfants syriens. Ces centres seront progressivement fermés à l’horizon 2021. Pendant ces années, tous les enfants qui suivaient la scolarisation adaptée seront inscrits dans les écoles nationales.
Les GEMs fonctionnent depuis plusieurs années avec 12 892 volontaires. Les volontaires enseignent dans 318 écoles, qui se trouvent dans 21 villes de Turquie. Ces centres, soutenus par le Ministère de l’Education turc et par de nombreuses ONG, ont eu pour objectif de pallier le manque de place dans les écoles nationales. Des enfants de tous les niveaux ont suivi les cours du système éducatif national, mais avec plus davantage de cours de turc. Il faut noter que ces centres étaient accessibles à tous les Syriens mais que l’obtention du diplôme permettant d’aller à l’université nécessite d’être inscrit dans les registres de la Direction de la Migration turque. L’UNICEF a été un soutien important par la prise en charge du salaire des enseignants volontaires, majoritairement syriens, à hauteur de 1 603 TL (soit environ 200 euros).
Ce projet est exemplaire car il a créé du travail pour des professeurs syriens réfugiés en Turquie. Il a également permis aux professeurs syriens de continuer à transmettre la culture syrienne et la langue arabe à la nouvelle génération. De plus, le fait qu’enfants et professeurs soient victimes de la guerre a permis de mieux se comprendre mutuellement et a favorisé l’entraide pendant la scolarisation. Les enfants se sentaient véritablement à l’aise.
Toutefois, quelques points négatifs sont apparus puisque les centres temporaires posaient une difficulté pour les volontaires non-turcs d’apprendre la langue turque aux élèves. Ainsi, les enfants syriens de ces centres n’ont pas pu faire beaucoup de progrès. De plus, l’existence de ces centres a créé des tensions dans le pays. Il faut savoir qu’en Turquie des milliers de diplômés dans l’éducation attendent, sans travail, d’être nommés dans une école. Le fait de faire travailler les Syriens volontaires a nourri le mécontentement de la plupart des citoyens turcs. Bien que l’école soit gratuite en Turquie, les fonds versés vers ces centres ont également causé des tensions dans la société turque.
PICTES – Un projet d’intégration scolaire de l’UNICEF et l’Union Européenne
PICTES – Promoting Integration of Syrian Children to Turkish Education System – est un projet d’intégration des enfants syriens au système éducatif turc, mis en œuvre suite à la signature d’un accord entre l’Union Européenne (UE) et le Ministère de l’Education turc. Cet accord porte sur l’aide financière apportée par l’UE à la Turquie en contrepartie de l’aide qu’apporte Ankara dans la réduction des migrations vers l’UE. Le projet a débuté le 03/10/2016 et terminera au terme de sa 2ème année.
Selon le Ministère de l’Education turc, les objectifs de ce projet sont : l’amélioration de l’accès des enfants syriens à l’éducation, l’amélioration de la qualité de l’enseignement et le renforcement des capacités des institutions et des personnels. Le projet, d’un montant de 300 millions d’euros, se focalise sur l’apprentissage de la langue turque et arabe, sur l’aide psychologique et sur le rattrapage des cours obligatoires. Selon les chiffres fournis par la Commission Européenne, 312 000 enfants syriens ont bénéficié de ce projet. La Turquie a nommé plus de 6 000 professeurs pour enseigner dans le cadre de ce projet.
L’année Scolaire 2018-2019 pour les Syriens
Ce projet, ainsi que la fermeture des GEM, nous montre que la Turquie souhaite que les enfants syriens soient davantage inclus dans la société, par l’éducation et l’apprentissage de la langue turque. Quelques villes du sud-est de la Turquie, Şanlıurfa, Kilis ou Mersin, ont des classes majoritairement composées de Syriens. L’éducation de la langue arabe en tant que deuxième langue, ou l’acceptation des professeurs syriens dans le système éducatif, y sont toujours des sujets de débat.
La rentrée pour l’année scolaire 2018-2019 a eu lieu le lundi 17 septembre pour plus de 18 millions d’étudiants en Turquie. Une année à suivre pour résoudre plusieurs problèmes, tels que l’accès à l’éducation pour l’ensemble des enfants migrants, l’augmentation du pourcentage des filles syriennes parmi les enfants scolarisés, ou encore l’apprentissage efficace des langues turque et arabe pour les enfants syriens.
Notes :
1 : La protection temporaire est le statut que le pays a donné aux Syriens qui ont immigré en Turquie. Ils possèdent un titre de séjour qui leur permet de travailler. Le statut de réfugié ne peut être donné qu’aux demandeurs venant depuis l’Europe.
2 : Les écoles en Turquie sont toutes liées au Ministère de l’Education turc. Même les écoles des minorités ou les écoles privées sont contrôlées par ce ministère.
Image : Alain Neri (France) at Nizip refugee camp in southeast Turkey, 17 May 2017, par OSCE Parliamentary Assembly, Flickr BY – SA 2.0.