L’Eglise orthodoxe d’Ukraine sous le patriarcat de Moscou compte pas moins de 40 diocèses et 12 000 paroisses. Le Patriarcat de Constantinople a pris la décision, à la demande du Président Porochenko (approuvé par le Parlement), de reconnaître une Eglise orthodoxe indépendante en Ukraine. Cela créé invariablement une division des fidèles qui n’est pas sans rappeler la division sociale des Ukrainiens concernant les relations avec Moscou.
La reconnaissance de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, inacceptable pour Moscou
Suite à la décision du Patriarcat de Constantinople de reconnaître l’indépendance d’une Église orthodoxe en Ukraine sous sa juridiction, la décision de la Russie a été immédiate puisque l’Eglise orthodoxe russe a décidé, ce lundi 15 octobre, de rompre ses liens avec Constantinople. En prétextant la protection des fidèles russes en Ukraine, le Kremlin cherche des arguments pour maintenir son influence dans un pays qui compte beaucoup pour l’image d’influence spirituelle de la Russie.
Les affaires nationales ukrainiennes ont toujours été suivies de très près par Moscou. La tutelle religieuse n’est qu’un exemple parmi d’autres alors que la Crimée a été annexée à la Russie en 2014 et que Moscou soutient les indépendantistes ukrainiens de la Donbass. L’Ukraine reste fortement divisée entre l’ouest pro-européen qui a pris le pouvoir depuis 2014, et l’est du pays qui est majoritairement pro-russe. La société, très pluraliste, est déchirée. Cela explique l’inquiétude forte générée par cette décision de Constantinople. La division identitaire est déjà très présente, ajouter une dimension religieuse au conflit apparaît comme une source d’inquiétude.
Le patriarcat de Kiev, autoproclamé après l’indépendance mais jamais reconnu
En 1991, suite à l’indépendance de l’Ukraine, trois Eglises se disputent l’influence sur le territoire : l’Église orthodoxe d’Ukraine, rattachée canoniquement au Patriarcat de Moscou mais aussi l’Église orthodoxe d’Ukraine (Patriarcat de Kiev) et l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne. La demande d’autocéphalie de l’Eglise ukrainienne a été rejetée immédiatement par le synode (assemblée délibérative d’ecclésiastiques) de l’Eglise de Russie. Jusqu’aujourd’hui, aucune Eglise n’avait reconnu sa légitimité en tant qu’entité à part entière.
Cette décision a donc immédiatement suscité une réaction du Président ukrainien Petro Porochenko qui a affirmé que « Dieu a vu le combat des Ukrainiens pour leur indépendance » et a ajouté qu’il s’agit de la fin « de l’illusion impériale et des fantasmes étroitement nationalistes de Moscou ». Cette décision semble donc tout autant religieuse que politique. L’indépendance de l’Eglise ukrainienne apparaît comme la façon de condamner le contrôle de Moscou sur son ancienne république socialiste soviétique.
Les Eglises orthodoxes ou l’Eglise orthodoxe ?
L’Eglise orthodoxe est composée de plusieurs Eglises autocéphales. Toutes les Eglises sont en communion et ne forme qu’un seul corps. Considérant que leur chef n’est autre que le Christ lui-même, c’est la communion de foi qui prévaut et rend inutile une administration commune telle que le Vatican pour l’Eglise catholique.
Le principe qui prévaut pour la coordination des Eglises est celle de la territorialité. Ainsi, chaque Eglise locale répond aux fidèles, quelque soient leurs origines et identités, qui sont présents sur le territoire. Il y a une exception majeure toutefois, les Églises et communautés religieuses orthodoxes russes, même s’agissant de la diaspora, dépendent du Patriarcat de Moscou et de Constantinople. Des paroisses hors territoires existent alors. Pour plusieurs pays d’Europe de l’est, dont l’Ukraine, le patriarcat de Moscou continue de se référer à la territorialité de l’ancienne URSS pour justifier la tutelle.
Image : La laure des grottes de Kiev, lieu de résidence du primat de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine (Patriarcat de Moscou), By Michele Ursino. Flickr BY-SA 2.0